La loi sur les hôpitaux est muette à cet égard mais la législation sur le droit du travail – qui est applicable aux employeurs et médecins sous contrat de travail – répond à cette problématique. Selon l’article 13 de la Convention collective de travail n°381, la vie privée de l’employé doit être respectée, également pendant la procédure de recrutement avec une nuance : des questions relatives à la vie privée du candidat sont acceptables si elles sont pertinentes en raison de la nature et des conditions d’exercice de la fonction. En vertu de l’article 13 de cette même CCT, le candidat est tenu de collaborer de bonne foi au processus de sélection. Certains en concluent par conséquent qu’à cette fin, le candidat doit en principe avertir l’employeur des éléments de sa vie privée qui pourraient éventuellement avoir des conséquences négatives sur le poste souhaité et influencer le choix du recruteur2.
Cependant, ces éléments à eux seuls ne permettent de tirer une réponse générale et uniforme pour tous les cas d’espèce. L’avis de l’Ordre des médecins est à cet égard un premier pas en ce sens intéressant mais ne permet pas d’affirmer que la jurisprudence – si elle est saisie de ce type de questions – suivra le même raisonnement.
L’Ordre est notamment revenu dans son avis sur l'entrée en vigueur de la loi du 22 avril 2019 relative à la pratique de la qualité dans les soins de santé (ci-après la loi sur la qualité), laquelle n'autorise pas clairement ce type de questions mais, en supprimant les commissions médicales provinciales, supprime également le flux d’information que ces commissions assuraient. Avant l'entrée en vigueur de la loi sur la qualité, ces commissions informaient le Directeur médical de l’institution des décisions (déontologiques ou judiciaires) prises concernant les médecins qui y exerçaient.
A présent, la loi qualité précise que la Commission de contrôle informe l'AFMPS, l'INAMI, le patient, le praticien de santé ou l'organisme qui a introduit une plainte et les autres parties intéressées que des décisions que cette Commission prend.
Le Conseil national des médecins défend dans son avis la position selon laquelle l’établissement de soins de santé doit être informé des éventuelles mesures prises par la Commission de contrôle et qu’au moins, devrait pouvoir réclamer un extrait de casier judiciaire modèle 596.2 (mineurs) pour vérifier que le médecin a eu un comportement irréprochable lorsqu'il s'occupe de mineurs.
L'Ordre des médecins estime donc que, compte tenu du peu de législation dans ce domaine, le cadre déontologique doit être envisagé. Une véritable obligation déontologique est ainsi créée, le Conseil estimant que tout médecin a le devoir déontologique de délivrer un extrait du casier judiciaire, modèle 595 et modèle art.596.2 lorsque la direction médicale de l'hôpital le demande. Cela se justifie par le fait que la non-communication de ces décisions, non seulement peut avoir un impact négatif sur leurs relations professionnelles, mais aussi en raison des lourdes responsabilités qu'implique l'exercice de leurs fonctions. Les patients doivent pouvoir faire pleinement confiance à leur médecin. En outre, la vérification de l'extrait de casier judiciaire permet à l'hôpital de garantir la qualité des soins, la sécurité des patients, l'intégrité et la bonne réputation de l'hôpital.
Toutefois, le fait de demander un extrait du casier judiciaire ne doit pas signifier que toute candidature d’un médecin ayant eu une condamnation pénale doit automatiquement être rejetée (appréciation au cas par cas). La vie privée et la protection des données doivent être garantis par l’hôpital selon l’Ordre. Si un hôpital devait ainsi envisager de demander de telles informations au moment du recrutement, il est préférable de l'indiquer de manière très claire dans le règlement général.
Céline Bachez, Emma Van de Voorde
1 CCT n°38 du 6 décembre 1983 concernant le recrutement et la sélection de travailleurs, M.B., 28 juillet 1984.
2 V. Vannes, La rupture du contrat de travail pour motif grave : les différents cas d’espèce du motif grave, t. 3, Limal, Anthemis, 2022, p. 62 à 64.